“Je ne comprends vraiment pas », me dit ce Danois, Directeur dans une entreprise récemment achetée par un groupe français. « J’étais contre cette décision, je l’ai dit en Comité de Direction au Siège, elle a cependant été adoptée. Et quelques semaines plus tard, j’apprends qu’on prend une autre direction. Il semblerait que le PDG se soit laissé influencer. Si j’avais su qu’on pouvait négocier, je l’aurais fait ! »
Au Danemark, il est rare qu’une décision prise de façon collective soit renversée ‘en coulisses’. Comme dans d’autres pays nordiques, le consensus est important et la transparence est de mise. Le pays est fier de figurer sur la liste des pays les moins corrompus du monde (même si de récents scandales financiers ont terni cette image), et si un ‘Non’ en France signifie ‘Convainquez-moi », au Danemark il signifie clairement ‘Non’.
Une fois la décision prise, là encore les approches diffèrent sensiblement. Les Danois sont jugés « très productifs » par leurs collègues français, mais parfois « un peu trop rapides dans la mise en place des décisions ».
Une Française installée depuis 13 ans au Danemark se souvient de sa chef qui avec une exaspération contenue lui avait demandé si elle avait vraiment besoin de poser autant de questions, et suggéré « Commence avec ce que tu as et tu ajusteras en cours de route ».
Seulement voilà, l’héritage cartésien et la méthode thèse/antithèse/ synthèse enseignée très tôt en France laisse des traces. Habitué à analyser, le Français passe généralement plus de temps en préparation que le Danois. Une thèse publiée en 2001 à la Copenhagen Business School montre très bien la différence des approches1.
« Je n’allais quand même pas me lancer à corps perdu dans un projet sans avoir une vision claire dudit projet et de nos différentes options !» me dit la Française. Son collègue Lars appliquait une approche plus rapide consistant à commencer à travailler avec peu d´éléments, quitte à zigzaguer davantage dans la phase de mise en oeuvre. «Le jour où j’ai compris que notre chef était rassurée de me voir donner des idées immédiatement, nos rapports se sont améliorés. Les Danois aiment aller de l’avant. Et poser des questions ou envisager différents scénarios trop tôt est perçu comme une perte de temps et un manque d’efficacité ».
Si les membres d’une équipe franco-danoise apprennent les différents modes de travail, les deux approches s’avèrent complémentaires et les résultats n’en sont que meilleurs.
Laure-Anne Boschwitz
1Cultural dimensions of decision-making: Denmark and France compared. By Jette Schramm-Nielsen
Image: Peggy et Marco Lachmann-Anke de Pixabay
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